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Cette semaine, les mobilisations locales en réponse à l’intervention russe en Ukraine et à ses conséquences.
La sidération passée, à Marseille comme ailleurs, personne n’est pas resté indifférent au sort de l’Ukraine, à son existence menacée par l’intervention russe et à sa population bombardée et poussée sur les routes de l’exil. Quelle place pour les pouvoirs locaux alors que la guerre est de retour en Europe ?
La majorité municipale a développé les outils traditionnels et forcément limitées de la diplomatie des villes. Dès le 24 février, jour de l’invasion, le maire a exprimé sa solidarité envers le peuple ukrainien, affirmant que la « Russie menace notre bien le plus précieux : la paix européenne ». Le drapeau ukrainien est aussitôt hissé sur la façade de l’Hôtel de ville. Réunies à Florence, avec les évêques d’Europe, pour le Forum méditerranéen, les villes du bassin ont multiplié les messages de soutien « à la coopération et à la paix ». À cette solidarité de la parole a succédé un second acte plus concret, celui de la mobilisation humanitaire. L’urgence, d’abord avec la collecte de denrées de produits de premières nécessité, puis, l’accueil des premiers réfugié·e·s. Au coeur du message et des pensées du maire, la ville-sœur Odessa, dont on devait célébrer cette année le cinquantième anniversaire du jumelage. Et puis, cette semaine se tenait à Marseille, le Sommet européen des régions et des villes ponctué par un rassemblement pour la paix devant l’Hôtel de ville. Le lendemain se tenait le conseil municipal, dernier moment diplomatique de la semaine. Drapeau ukrainien au côté du drapeau phocéen, l’occasion de transmettre ce poignant message du maire d’Odessa, alors qu’un débarquement russe est toujours redouté. L’expression de l’amitié internationale et de la solidarité inter-municipale est l’arme des acteurs publics non-souverains. Le langage y est moins tenu que celui de la diplomatie officielle, l’action revendiquée de proximité, plus orientée sur le terrain de la coopération (humanitaire, technique, économique et culturelle). Les villes, nains diplomatiques, disposent d’une voix et ont appris à s’en servir.
Et puis, la diplomatie des villes puise dans la société civile ses relais. Gilles Rof a décrit comment la communauté ukrainienne de la ville a vécu l’invasion là-bas, puis l’élan de solidarité ici : les camions bourrés jusque’à la gueule de colis humanitaires et la collecte qui se poursuit jusqu’à poser des problèmes de stockage. Et bientôt, les premiers réfugié·e·s qui arrivent. Un siècle après le drame arménien, Marseille renoue avec la tragique générosité de son histoire. Et après ? Ces exilé·e·s partagent, avec nous, la peur de ce qui va arriver.