Ne venez pas (ou alors autrement)

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Cette semaine, la campagne de « démarketing » territorial amorcée par la municipalité.

En janvier déjà, la direction du parc national des Calanques avait alerté contre les effets de la surfréquentation (3 000 visiteurs par jour l’été dernier, le double de 2019). Son directeur expliquait vouloir « mieux maîtriser l’attrait de ce territoire pour le protéger ». Si le mot de démarketing n’était pas prononcé, son discours s’accompagnait d’incitations visant à ce que sur les réseaux sociaux « chacun garde son expérience pour soi ». De la publicité négative était même proposée sur le site des Calanques : clichés de plages bondées et messages rebutants « vantant » l’eau froide et les accès difficiles. Le chargé de la communication était plus directe que le sentier vers Sugiton : « À long terme, nous espérons voir la fréquentation se stabiliser puis descendre ». De toute façon, prévient un agent du parc : « il n’est pas question de revivre un été 2020 bis ; les écosystèmes n’y survivraient pas ».

Cette menace a incité la municipalité à relayer cette stratégie, tournant le dos à trois décennies de tentatives de politiques de compétitivité et d’attractivité. Elle demande à l’Office du tourisme – qui dépend de la Métropole, ouvrant un nouveau front de luttes d’institutions- d’arrêter de promouvoir la ville. Certes, contrairement à Barcelone ou à Venise, c’est moins une prise de conscience écologiste qui guide ce changement de pied, qu’une réponse à l’impératif sanitaire et à ses conséquences. L’an dernier, 3,5 millions de personnes s’étaient entassées sur les plages marseillaises (+63% par rapport à 2019), pour la plupart des touristes parisiens français, empêchés d’encombrer les littoraux italiens ou espagnols. « L’année dernière, on a vu arriver un “public Instagram” complètement hors des réalités, en claquettes et sans eau pour randonner des heures » déplore un écogarde dans Libé.

Si chacun s’efforce de présenter l’équilibre entre fréquentation touristique et préservation du site, deux visions s’opposent, in fine. D’un côté, commerçants, restaurateurs et hôteliers « ont besoin de remplir les tiroirs-caisses » dans un contexte (post) pandémique qui les a pulvérisés. De l’autre, ceux qui estiment qu’il y a plus impérieux que le développement économique : la sauvegarde de la planète. C’est le chantage à l’emploi à front renversé. « Le capitalisme ou nous » écrit le journaliste Hervé Kempf. Oui, le tourisme crée de la croissance. Certes. Mais il tue l’environnement. Et pas à petit feux. Pour préserver les Calanques des méga-incendies, ne venez pas, ou moins nombreux, laissez vos tongs à l’entrée, buvez de l’eau et faites moins de bruit, je vous prie.