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Cette semaine, la société locale d’équipement d’aménagement de Marseille dans la tourmente.
Symbole de la politique de montée en gamme ou appelée à devenir le Vietnam des aménageurs, la rénovation de la place Jean-Jaurès, finalement achevée, a surtout propulsé la Société locale d’équipement et d’aménagement de Marseille (Soleam) sous le feu des critiques. Un cas rare de politisation d’un outil technique des politiques urbaines.
Pour rappel, la Soleam est sollicitée par ses actionnaires – essentiellement la Métropole – pour mettre en œuvre des travaux ou des concessions d’aménagement. Le mois dernier, la Chambre régionale des comptes (CRC) prenait un relais inattendu aux « fumeurs de chichon » de la ZAD de la Plaine. Dans un rapport au vitriol, le gendarme financier des collectivités locales pointait les retards, les bouleversements de programme, l’absence de « réelle vision stratégique à moyen terme », l’écart entre ambitions initiales et réalisations, le poids d’« inutiles coûts de gestion » et résumait l’échec de l’opération Grand centre-ville par ce sidérant ratio : « sur les 1 500 logements nouveaux prévus, 31 ont été réalisés ». Sur la Plaine, la Cour est pudique pour ne pas dire taquine : « d’autres opérations, non prévues initialement, telles que la déqualification de la place Jean-Jaurès, se sont déroulées dans des conditions chaotiques ». Par ailleurs, la CRC s’interroge sur la survie de la Soleam, depuis la création de la Société publique locale d’aménagement d’intérêt national en réponse à la crise de l’habitat indigne. Enfin, fidèle à son rôle de garant de l’orthodoxie libérale, la Chambre appelait à une dépolitisation de l’outil sous forme d’une privatisation. C’est bien évidemment le contraire de ce qui se passe.
Le président (LR) du « bras cassé » de l’aménagement avait réagi aussitôt en demandant un audit financier et en tapant sur la municipalité. Cette semaine, une quinzaine d’associations appelle le maire et le préfet à « refondre la gouvernance de la société d’aménagement », en clair à la dissoudre. Sur l’Agora, l’ancien directeur de programmes repenti de la Soleam (2006-2014) désormais militant d’un Centre-ville pour Tous est revenu sur l’histoire de la société et ses impasses et exprime la volonté de remplacer une forme de politisation « politicienne » par une autre qui reposerait sur un contrôle démocratique de l’action publique et une « réappropriation » citoyenne de l’aménagement. Avec la perte de sa propriété techniciste, l’outil d’aménagement se trouve soudain privé de ressources de dépolitisation, le laissant exposé aux quatre vents des critiques. Des magistrats financiers aux ZADistes, tout le monde déteste la Soleam.