MarsLab

Chaque lundi, la Nouvelle société savante de Marseillologie vous propose 2 600 signes sur l’Agora de Marsactu pour évoquer l’actualité politique, économique, sociale ou culturelle de la ville.

Cette semaine, la construction de la ville en « laboratoire » des politiques publiques.

« (…) au fond et c’est l’esprit de l’ambition que je veux vous proposer à chaque fois, faire plus, innover et faire de Marseille un laboratoire et le faire avec des exigences, c’est-à-dire un contrat de confiance où chacun fait sa part ». Marseille laboratoire. Reprise ici dans le discours du Pharo du Président de la République, l’idée n’est pas neuve et l’épithète non plus pour qualifier la ville. Que recouvre-t-elle ? 

La métaphore indique un « local » d’expérimentation, d’analyse et de recherches scientifique. À l’origine, la laboratoire désignait cette « partie d’un fourneau à réverbère où l’on met la matière sur laquelle doit agir le combustible ». L’étymologie du terme est plus connu : venant de Laborare, travailler, il partage sa racine avec le verbe « labourer ». Dans son versant urbain, on trouve donc Marseille laboratoire. Un lieu d’expérimentation et d’innovation destiné à influencer la France – de ses politiques publiques à son « vivre ensemble » – quand bien même les évaluations sont rares.

L’histoire du couple MarsLab serait sans doute à faire. Depuis quand la ville est-elle devenue le terrain de jeu des expérimentations d’État ? Pourquoi est-ce elle, et pas une autre, qui est considérée comme le miroir dans lequel se reflète, en gros ou en petit, mais toujours déformant, le territoire national ? C’est à partir de la métaphore du laboratoire que se déploie le récit des maux (ou des défis, c’est selon) du pays  : inégalités, pauvreté, risques environnementaux, transports, logements… Marseille, c’est la France en petit ou son doppelgänger. Mais tandis que ce discours côtoie celui de l’irréductible singularité marseillaise, on ne peut que s’étonner de voir cette ville, présentée comme extra-ordinaire, être dans le même temps désignée laboratoire de la Nation.

En 1996, l’économiste César Centi publiait son « Laboratoire marseillais. Chemin d’intégration métropolitaine » où, prenant au sérieux ce paradoxe, il envisageait les singularités du territoire pour s’interroger sur la duplication de son « modèle » de segmentation. Un quart de siècle plus tard, sa version néo-libérale teste à marche forcée une nouvelle manière d’organiser l’école. Annonces péremptoire ou réels engagements ? Il semble que l’expérimentation soit sur les rails et qu’un certain nombre d’établissements scolaires aient d’ores et déjà reçues des formulaires de pré-projet avec critères d’éligibilité, promesses de financement et deadline resserré. Un laboratoire, Marseille ? Ou une ville plongée dans un incubateur visant à accélérer sa mise sur le marché des politiques territoriales.