Marseille antifasciste

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Cette semaine, le déplacement d’Eric Zemmour et ses réactions.

Quelques jours après Marine Le Pen, le probable candidat à l’élection présidentielle, Eric Zemmour s’est rendu à Marseille. Destination préférée de l’extrême-droite ? Si Marsactu a choisi de ne pas traiter cette visite, cet événement permet pourtant de mieux comprendre la perception de Marseille par le néo-fascisme dans la construction de son projet réactionnaire ainsi que les raisons d’un si mauvais accueil.

Marseille et les Le Pen entretiennent une longue histoire. Le père a réalisé dans la région ses meilleurs scores aux présidentielles et fut longtemps conseiller régional. La tentative de pseudo-dédiabolisation entamée par sa fille a finalement peu pris dans le RN marseillais tant son chef de file local revendique le « canal historique » du FN « tendance Jean-Marie ». Certes, la présence de l’extrême droite à Marseille ne remonte pas à sa progression électorale depuis les années 1980 : les crimes racistes des années 1970, la présence de nostalgiques de l’Algérie Française parmi les rapatriés et les pieds-noirs, plus loin encore les réactions xénophobes qui ont accompagné chacune des arrivées de migrants, depuis les Italiens et Arméniens de la première moitié du XXe siècle. Contrairement à son mythe, face aux « migrances », Marseille s’est souvent montrée plus accueillante à l’égard des populistes et des xénophobes de toute sorte que des réfugiés.

Et pourtant, de l’ombre à la lumière, cela n’est qu’un morceau de son histoire politique. Ce déplacement a opposé la lâcheté du populiste au courage antiraciste. De l’arrêt précipité à la gare d’Aix pour éviter l’accueil prévu à Saint-Charles, de sa déambulation en forme de fuite dans le Panier au pas de charge, entouré d’une nuée de journalistes et de policiers en civil, sans même évoquer cette image illustrant un profond manque d’honneur. A contrario : de l’intervention de l’archevêque lui demandant de ne pas s’exprimer dans l’enceinte de la Basilique, de la manifestation offensive du soir et du comité qui l’a escorté jusque’au train samedi matin… La ville de Marseille, dont son maire signait le jour même avec les représentants de l’État un « contrat territorial d’accueil et d’intégration des réfugiés » et ses habitants, à nouveau solidaires contre l’extrême-droite, ont montré le visage de l’antifascisme et peuvent s’en montrer fiers. Tandis que Zemmour, dont l’infâme campagne a sans doute pris fin entre l’Evêché et la rue du petit puits, déclarait qu’il ne souhaitait pas que « la France devienne comme Marseille », cette dernière lui répondait bien par ce mot d’ordre : « Zemmour, Marseille n’est pas à toi ».